Né le 5 mars 1948 à Montreuil-sous-Bois (93)
Michel Montange est un cas à part dans le monde la moto et de la presse moto. Avant de suivre le parcours de celui que sa maman appellera bien vite « Micou » pour le différencier des nombreux Michel nés ces années-là (Michel Simon, Michel Jazy, Michel Debré, Michelle Torr – humour !), sachez que le Micou est un motard d’une espèce peu en vogue dans la seconde partie du 20ème siècle. Il fait partie d’une secte préférant les petites cylindrées et la balade aux gros cubes et à la poignée dans le coin ! Et oui… D’où un certain décalage avec l’ambiance prévalant par exemple dans les couloirs de Moto Journal dans les années 70. Micou en a été l’un des piliers pendant plus de 20 ans. Quand nous partions en essai dit « comparatif », vous retrouviez devant les as de la zone rouge dont Momo (Éric Maurice) et votre serviteur (j’les avais tous à ma pogne), tout de suite derrière Christian Lacombe qui, mine de rien, traçait fort, un peu après Didier Ganneau (ingénieur ayant dévié, donc fréquentable), François-Marie Dumas (dit FMD), Paul Salvaire et d’autres qui roulaient bien et enfin deux artistes du guidon : Bussillet et Micou. Disons que Bubu décomposait sa conduite style « je freine, je penche la moto, je vais au point de corde, je regarde la sortie du virage, je tourne la poignée, super, j’y suis arrivé ». Micou, lui, se promenait. C’est le seul type au monde qui peut rouler en regardant en l’air ! Normalement on se plante en faisant ça. Lui, non. Et quand vous le croisiez dans un couloir de MJ, le temps qu’il vous explique ce qu’il était en train de faire, vous pouviez enfiler la combine de pluie et vérifier les niveaux. Mais c’était toujours très intéressant. Voilà l’une des facettes du personnage qu’est Michel Montange.
Revenons-en au petit Michel. Sa famille émigre de Montreuil (neuf-trois), à Joinville-le-Pont (pon-pon, neuf-quatre) en 1952. Son échec (de peu) au bachot (dénomination antique du baccalauréat), après une scolarité hasardeuse et ponctuée de changements d’établissements pour incompatibilité calme mais affirmée avec les études, pousse sa mère, qui avait visiblement cadré son fiston, à l’inscrire à une école de photographie. Le petit Micou a donc désormais un objectif (warf) dans la vie. Cette passion s’ajoute à celle de la moto qu’il assume depuis 1965. Vous noterez que cela fait deux passions, moto et photo, bref une histoire d’O. Apparemment rêveur, l’ado trace sa vie. Son inscription dans un club comptant plusieurs pilotes et sa rencontre avec le clan de Gérard Jumeaux, un autre Joinvillais venu lui aussi de Montreuil, feront le reste. Le frère de Micou sera d’ailleurs le premier passager du célèbre sidecariste. Michel évolue ainsi tout de suite dans le milieu de la compétition.
Sa première photo, prise avec le célèbre appareil Rolleiflex 6x6, est publiée en 1969 dans le mensuel « Les Motards » de Jean-Pierre Drexler. Micou se souvient que Drexler faisait son journal « dans sa salle de bain », et distribuait lui-même quelques exemplaires chez les motocistes pour augmenter les ventes. J-P. Drexler s’est tué à Montlhéry la même année.Michel Montange se balade déjà pas mal pour suivre des courses de moto (mais pas les GP) en Angleterre notamment. À son retour de l’armée, Micou retrouve chez l’éditeur Michel Hommel deux anciens des « Motards », Christian Venant et François Beau. Il intègre l’équipe qui va sortir le premier numéro du mensuel « La Moto » (janvier 1970). C’est son premier vrai travail de journaliste. Il est donc pigiste » (travaillant sur commande et payé à la tâche) à La Moto mais aussi à Automoto, l’ancêtre de Moto Journal (1970 toujours).
En 1972, une équipe de pigistes crée Sport Moto ; Jacques Bussillet, François Beau, Micou… Journal qui, dans sa première version, va capoter un an après.
Micou fait alors la connaissance de Phil Berthelin et de la « bande de la vieille maison » à Montrouge (neuf-deux). Il laisse quelque peu tomber la photo et sort l’aérographe pour peindre motos et casques pour nombre de pilotes : la 900 Bol d’Or d’Husson vainqueur du Tour de France, le casque et la 750 H2R de Fau, la 750 TZ de Rigal (et « ses p… de losanges » précise MM !), le casque de Chemarin, les motos de Fernandez, Huguet, Yves Mourousi, etc.
Au fil des ans, la bande de Montrouge se disperse. Micou reprend alors son appareil photo et frappe à la porte de Moto Journal. En pigiste régulier, il couvre surtout l’enduro et participe à de nombreux essais. Il ne sera à plein temps à MJ qu’à partir de 1985 (commentaire de MM : « À 37 ans, il était temps que je me case… ».
Durant toute sa carrière (drôle de mot pour lui), Michel Montange s’est fait régulièrement de grands plaisirs avec plusieurs participations au Dakar (dont le premier), des essais dans le monde entier, des photos par milliers et une collection d’une vingtaine de trails. Et début 2009, c’est la retraite, poussé par l’administration d’un grand groupe qui a évolué et au sein duquel il ne se reconnaît plus. Et avec sa vie de bohême, il lui manque des trimestres… La liberté a-t-elle toujours un prix ? (NDLR : Francis Boutet ramasse les copies dans deux heures).
Le pseudo tranquille Micou est donc un homme de passions (il y en a sûrement d’autres que celles évoquées ici). Comme quoi, il ne faut pas se fier, etc., etc. Arrêtons les lieux communs. Une anecdote le résume bien : ayant abandonné à un Dakar, il regagne la capitale sénégalaise … en train, avec loco cafouilleuse et tout ce qui va avec ! Par curiosité, par plaisir. Quand Bike70 vous dit (cherchez bien) que dans ces années-là, quand on nous disait de prendre à droite, on prenait à gauche, juste pour voir… Micou, pour avoir pratiquer maintes fois l’exercice, ne dira pas le contraire.
Une dernière réflexion. On a l’impression que, s’il n’y avait que des hommes comme Micou, il n’y aurait pas de guerre.
François GOMIS
Questions/réponsesTes 2 ou 3 meilleurs souvenirs pro ?
Micou : Mon premier voyage aux USA, Daytona 1980 pour Moto 1, le premier du nom. J'avais juste un billet d'avion. J'ai squatté la moquette de la chambre de François Beau une semaine et Patrick Pons gagne !! Super. Au retour, les bureaux de Moto 1 étaient vides. Le numéro deux n'est jamais sorti.Avoir pu rouler sur pas mal de circuits à l'occasion de présentations presse. Même si j'y étais en tant que photographe, j'ai souvent eu la possibilité de rouler aussi. Sepang, Sha Alam, Suzuka, Jerez, Barcelone, Misano et la plupart des circuits français.Avoir fait un tour du circuit de Charade en passager de Barry Sheene sur une 350 Yamaha (de route). Je faisais l'essai de la moto pour Sport Moto en 1972. Bubu (Jacques Bussillet) connaissait Barry et lui a demandé de faire des photos sur la moto. Il a accepté sans hésiter. (Le circuit de Charade était une route ouverte en dehors de la course).
Ton plus mauvais souvenir pro ?
Micou : juste quelques moments où c'était moins sympa que d'habitude, mais j'ai la chance de ne pas avoir de mauvais souvenirs. Il faut dire que je ne suis pas rancunier, que je suis plutôt fataliste et que je n'ai pas bonne mémoire.
Essais Moto Journal (MJ), tes motos préférées et celles que tu n'a pas aimées ?
Micou : J'ai toujours préféré les trails et, pendant pas mal d'années, le gros comparatif de début d'année était un moment fort pour la rédaction. Je déteste les sportives en dehors d'un circuit. Une moto qui t'oblige à baisser la tête et courber le dos, c'est pas mon truc.
As-tu fait des photos de compétition sur circuit ?
Micou : J'ai commencé par ça. Je suivais les championnats de France de vitesse et d'endurance (1969 - 1974 environ) Puis pour MJ, j'ai suivi l'enduro (1978 - 1980 et +) Puis j'ai été essentiellement photographe aux essais. J'ai quand même été sur quelques courses de mondial Superbike pendant quelques années à l'époque Fogarty.
Le matériel photo que tu as utilisé (des années 60 aux années 2000) ?
Micou : J'ai commencé avec des Pentax et des petits téléobjectifs (mais on pouvait quasiment avoir les pieds au bord de la piste). J'ai eu un 400 mm Novoflex. Une sorte de tuyau de poêle avec deux lentilles mais qui faisait d'excellentes photos. J'achetais des bobines de film 35 mm de 15 mètres et, dans le noir, je les découpais et rembobinais dans de vieilles cartouches. Ça coûtait moins cher. Je développais mes films et tirais mes photos. Puis je suis passé en Canon, A1 puis T90, et les EOS argentiques. Les premiers numériques n'étaient pas convaincants, mais sont rapidement devenus incontournables. On pouvait mitrailler sans retenue par rapport aux films chers à l'achat et au développement. J'y suis donc passé avec Canon à l’EOS 20D puis 1D Mk2. Mon objectif 2,8/300 mm m'a suivi de l'argentique au numérique, comme toutes mes autres optiques.
Ton boîtier et ton objectif préférés ?
Micou : Mon dernier argentique, le Canon Eos 3 pour ses performances et le confort de sa visée. Avec le 2,8/300, c'est un sacré outil. Maintenant, l'EOS 5D en 24 x 36 numérique avec un 17 mm pour englober tout le paysage.
Le passage au numérique a-t-il été un problème ?
Micou : Les premiers appareils n'étaient pas performants et hors de prix mais on a vite senti qu'il y avait un potentiel pratique. Il a quand même fallu quelques années pour qu'on puisse sortir une double page correcte avec un numérique. Le problème actuel, c'est qu'on n'envoie plus de photographe sur les Grand Prix. Avec une agence, les photos sont en ligne sur internet une heure après la course. Plus de billet d'avion, d'hôtel, de développement de film : les gestionnaires font des économies ... mais on a les même photos que tout le monde.
Que conseille-tu comme matériel aux motards photographes ?
Micou : Pour la majorité des photos, les appareils compact ont maintenant des possibilités excellentes. Si on veut faire des photos d'action sur circuit ou de ses copains sur route, il faut investir dans un reflex et un télé zoom qui va jusque à 200 ou même 300 mm. Les prix sont de plus en plus abordables. Et puis il faut s'entrainer. Heureusement, avec le numérique, ça ne coute pas cher.
Quelle est ta photo de moto préférée ?
Micou : Elle n'est pas de moi. Une des photos de la grande époque des GP. Une photo de François Beau à Assen. Agostini est devant mais regarde par dessus son épaule à un freinage. Et dans ses roues, il y a Hailwood sur sa Honda qui le regarde droit dans les yeux. Avec le Cromwell et les lunettes, on voyait le visage des pilotes. On ressent la terrible pression d’Ago qui a Hailwood à ses trousses.
As-tu une devise ?
Micou : Il y a bien longtemps, j'avais peint sur mon Cromwell :"Parle à mon cul, ma tête est dans le désert". Depuis, j'ai été dans le désert et j'accepte le dialogue.
Ton palmarès ?
Micou : Quelques courses en 50 cm3 en 1965 ma première année de permis. 2ème au premier pas Dunlop (pour les licenciés de moins de 18 ans), les 6h de la petite cylindrée (un seul pilote), les 3 premières Croisières vertes, les deux premiers Bol d'Herbe, les trois premières 24 h de Bretagne (6ème je crois pour la première, avec Audouard, Breton et Hubert Auriol sur sa 400 HVA). Les 2 premiers rallyes de Tunisie (en tête du premier le premier jour, casse de l'allumage le lendemain) Les 4 premiers Paris Dakar. Dans les dix pour le premier mais abandon à 2 jours de la fin. J'ai été chaque année un peu moins loin !
La liste de tes motos de collection ?
Micou : Yamaha 50 FT1, mini enduro 1972, 80 GT 1974, 125 DTE 1975, 125 DTF 1975, 175 DT 1975, 250 DT1 1969 (le premier trail japonais) 250 DT2 1972, 250 DT3 1973, 250 DTA 1974, 250 DT B 1975, 250 DT MX 1983, 360 RT1 1971, 360 RT2 1972, 360 DT A 1974, 400 DT B 1975, 400 DT MX 1978, HONDA
50 XL, 125 SL 1975, 250 XL 1976, 250 MT Elsinore 1974 (le trail 2 temps pas
importé en Europe), Suzuki
400 TS 1975. En Kawasaki, rien mais j’espère bientôt une 350 Big Horn.