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Jean-Louis Bernardelli

Né le 6 juin 1948 à Paris 

Photo Bruno Laurent et Marylin Citerne

Le nom de Jean-Louis Bernardelli résonne dans l'univers de la moto et de l'automobile depuis plus de trente ans. Journaliste (Moto Verte, Moto Revue, Automoto TF1,Auto Plus, RFO), créateur d'événements, speaker capable de soulever une foule (entre autres aux Supercross de Bercy et de Genève), amoureux de la vie, dévoreur de passions, ce licencié en droit passé par la prestigieuse école « Sciences Po » a fait une aventure de sa vie professionnelle. Se qualifiant de fainéant, celui que l'on surnomme Loulou, parlant italien, anglais et suédois (!), a aussi trouvé le temps d'être chef de bord au Centre Nautique des Glénans. Histoire d'un fainéant hyperactif. 

« Loulou », c'est ainsi que Jean-Louis Bernardelli est surnommé par sa mère qui, jeune fille, a la particularité de parler plus breton que français en arrivant à Paris ! Elle sera pourtant directrice d'école maternelle. Monsieur Bernardelli, d'origine italienne, est haut fonctionnaire à la capitale. C'est donc dans un milieu éduqué et aisé mais quelque peu atypique que grandit Jean-Louis, bon élève et bien sous tout rapport. Sauf que, qui dit rapport dit aussi boîte de vitesses. Alors que ses parents l'ont dirigé vers la voile, une passion qui l'emmènera vers le Centre Nautique des Glénans puis de Concarneau à Rio en passant par Le Cap, la rencontre avec la moto ne va pas se faire attendre longtemps, lui faisant délaisser le handball et le rugby auxquels il s’adonne également. Car à la fin de ses études, Jean-Louis a quelque peu abusé du portefeuille paternel. Le dit paternel le lance donc dans la vie active et lui trouve un poste au ministère de l'Industrie. De 1975 à 1978, Jean-Louis y est responsable de l'artisanat d'art. Il se déplace en transport en commun, pointe et ronge son frein. Un passage devant le précurseur puis mythique magasin de motos tout-terrain Zone 6, rue Etienne Marcel à Paris (quartier des Halles), va faire basculer sa vie. Il tombe amoureux d'une Yamaha trail bleu turquoise.
Mais Jean-Louis, même avec son permis, n'est pas encore un fringant motard. Et c'est donc poussée par le dit Loulou que la Yamaha neuve va faire ses premiers tours de roues jusqu'à la gare d'Austerlitz pour rejoindre la région solognote via la SNCF. Peu après, lors d'une balade en forêt, l'apprenti tombe sur des enduristes confirmés qui l'invitent à un enduro sauvage (hors fédération). Il découvre ainsi le milieu et son journal de référence Moto Verte. Son frère, avec lequel il fait de la montagne et de la descente de rivière, a également le virus et achète une Montesa Cota 250 de trial. Jean-Louis a alors le coup de foudre pour la discipline la moins rapide mais la plus technique du sport moto. 

C'est alors que Renaud Marchand, le journaliste et photographe de Moto Verte qui suivait le mondial de trial, décide de devenir photographe de mode et démissionne. Et c'est en lisant l'annonce de Moto Verte pour le remplacer que Jean-Louis Bernardelli va poser un pied dans le journalisme section trial. Rêvant de voyages en avion et d'un paradis nommé Championnat du monde de trial, il peaufine pendant trois jours une lettre pour Gilles Mallet, créateur et rédacteur en chef du journal. C'est là que le destin destine. Gilles Mallet la puis le reçoit et l'engage avant de s'apercevoir rapidement que cette lettre de candidature était à la limite de l'imposture, envoyée par un passionné n'y connaissant rien en photo et pas grand-chose en trial mais qui, en revanche, savait écrire ! Ce qui vaudra dans un premier temps à Loulou un autre surnom donné amicalement par son rédacteur en chef : « L'escroc ». Mais le jeune homme est en place, comprend vite et fait rapidement oublier son second surnom. Trois décennies plus tard, c'est d'ailleurs avec émotion que Jean-Louis Bernardelli remercie son mentor de l'époque en disant : « Gilles Mallet m'a tout appris ». Loulou ajoute que cette période fut l'une des plus belles de sa vie avec, par exemple, une année où il assura 50 reportages aux quatre coins du monde !
Arrivé en 1978 à MV, Jean-Louis Bernardelli devient rédacteur-en-chef adjoint mais démissionne en 1982. Explication : le seul poste auquel il pouvait ensuite prétendre était celui de… Gilles Mallet !
Mais pour Jean-Louis Bernardelli, l'aventure ne s'arrête pas là.

Acte 1. Le soir même de sa démission de Moto Verte, on l'appelle pour lui dire qu'on recherche un journaliste tout-terrain à Moto Revue. Il va donc déménager de 30 mètres et ne pas quitter les éditions Larivière !

Acte 2. En 1981 et 1982 Philippe Debarle et Gilles Gaignault avaient organisé au Mans les premières courses de dragsters. Le speaker était Jean-Louis qui avait fait ses premiers tours de micro en étant « cracheur de mots » lors des premiers trials indoor dont il était l'un des initiateurs avec les pilotes Charles Coutard et Christian Desnoyer. Cela fait beaucoup de « premier » mais tous étaient les pionniers français de ces disciplines.

En 1982, Loulou est donc speaker aux drags du Mans quand le rouleau qui entraîne la roue motrice des dragsters pour les faire démarrer tombe en panne. Debarle dit à Loulou : « Il nous faut une heure pour réparer, comble comme tu peux ». Et Loulou va parler au public (40 000 personnes) pendant une heure sans que personne ne voit le temps passer !
Dominique Guymont, le réalisateur d'Automoto, est là accompagnant une équipe de tournage. Ayant vu l'ami Loulou faire sa performance, Guymont lui souffle : « Un mec qui est capable de meubler pendant une heure alors qu'il ne se passe rien devrait travailler à la télé ». Et le lendemain, Jean-Louis est rue Cognac-Jay (75007) dans le bureau du producteur et créateur de l'émission Jacques Bonnecarrère qui lui dit : « Viens travailler avec nous …» !
En quelques mois, Jean-Louis Bernardelli est passé de Moto Verte à la télé où il va rester 15 ans. Une multitude de reportages et de directs moto (Paris Dakar, etc.) puis de Formule 1 lui forge un curriculum vitæ prestigieux qui en fera pâlir certains (la télé est un monde cruel). TF1 et Loulou se séparent en 1997.
L'homme orchestre collabore les années suivantes à de nombreuses émissions de télé, écrira plusieurs livres, sera deux ans (2002-2004) rédacteur en Chef de RF0 (Radio France Outre Mer) à Saint-Pierre-et-Miquelon, participe à la préparation d'un avion « Racer » pour les Reno Air Races aux U.S.A. en 2011 et revient à ses premières amours, la moto, pour le site internet autonewsinfo.com. Il y a donc une vie après TF1. Toutefois ceux qui ont goûté à l'impression de puissance que donne une télévision leader peuvent parfois avoir quelques difficultés à revenir dans le monde réel. Yves Mourousi, journaliste star et motard, avait prévenu Jean-Louis qui s'en est souvenu. Reste la difficulté d'être après avoir été. C'est vieux comme le monde. Alors Jean-Louis Bernardelli « Histoire d'un fainéant hyperactif » ou « Itinéraire d'un enfant gâté » ?
Nuançons. Enfant, oui, parce qu'il est de ceux qui continuent de s'émerveiller devant le talent des autres (en oubliant le sien). Et gâté, oui encore parce qu'il a un parcours « d'enfer ». Et, pour l'ensemble de son « œuvre », beaucoup aurait envie de lui dire : « Veinard ». 

François Gomis 



MOTO VERTE
Le journal mensuel Moto Verte est créé en 1974 par Gilles Mallet. Édité par les Éditions Larivière (qui publient également Moto Revue), le magazine vend rapidement à 40 000 exemplaires. Précédant ou accompagnant selon les périodes le phénomène moto verte, le magazine éponyme est un grand succès de presse. Les ventes dépasseront même les 90 000 exemplaires. Les grands rallies africains (Côte-Côte gagné par Gilles Mallet, Abidjan-Nice de Jean-Claude Bertrand puis Paris-Dakar de Thierry Sabine) y sont sans doute pour beaucoup.
Avec Gilles Mallet, Didier Coste (plus tard créateur de « Vélo Vert »), Jean-Louis Bernardelli, et des collaborateurs « pigistes » chevronnés, le journal est à cette époque la référence et n'a pas de concurrent. Les atouts de Moto Verte sont une iconographie (photos) de qualité et une écriture rigoureuse mais décontractée. Les premiers lecteurs sont d'ailleurs les membres de la petite équipe. Et si le papier n’intéresse pas ou/et ne fait pas rire ou sourire, on le retravaille… 

TF1
Les « sujets » (l'équivalent en télé d'un article en presse écrite) faits par Jean-Louis Bernardelli au service des sports de TF1 se comptent par centaines. Arrivé à Automoto par et pour la moto tout-terrain en 1982, Jean-Louis deviendra le spécialiste 4x4 de l'émission puis suivra et commentera la Formule Un à partir de 1990 pendant deux ans. Son premier GP de F1 comme commentateur est d'ailleurs resté dans les mémoires grâce à la bagarre entre Senna et Alesi (Phoenix Arizona, circuit en ville, 11 mars 1990. Aux damiers : 1 Senna, 2 Alesi, 3 Boutsen).
UN JEU
Jean-Louis Bernardelli considère son travail également comme un jeu. Et s'il raconte que rouler avec Ari Vatanen et Michèle Mouton restent de grands moments, certains reportages ont été des plus ludiques. Bernardelli raconte : « Un vendredi avant un GP de cross, le caméraman propose pour rigoler de me faire lancer le sujet en moto sur la ligne de départ entouré des meilleurs pilotes, lui se plaçant au bout de la ligne droite et zoomant. Puis une fois mon lancement terminé, le cameraman fait un signe et tout le monde fait gaz, y compris moi ! Je crois que Malherbe m'avait passé une de ses motos, bref, je me suis retrouvé avec les plus grands crossmen du monde sur une grille de départ sur une moto d'usine à 1 million de dollars. Mais ces gars sont des pur-sang et ont un peu oublié que c'était un départ pour la frime ! Toi, tu es au milieu d'eux alors qui se regardent tous en chien de faïence. Ambiance. Ils ne jouent pas. Alors au top départ, ils te poussent, te jettent sans pitié, sans oublier les projections de terre ! Pour eux, un départ, c'est un départ, même si ce n'est que pour la télé. Grand souvenir ! ».

LES ÉVÉNEMENTS
Jean-Louis Bernardelli est un showman connu principalement comme speaker des supercross ou des trial indoor notamment au P.O.P.B. (Palais Omnisport de Paris Bercy, inauguré le 3 février 1984, architectes Michel Andrault et Pierre Parat).
Mais Jean-Louis s'est aussi impliqué dans l'organisation d'événements, entre autres Les Oscars de la moto ou La Nuit de la moto. Le scénario de l'une d'entre elles est révélateur. Au cinéma l'Empire (avenue de Wagram à Paris), les spectateurs suivaient d'abord des documentaires et des animations moto. À 4 heures du matin, l'enduriste Jean-François Saffray dit « la boulange » apportait des croissants pour tout le monde et à 6 heures du matin, sur écran géant, c'était la retransmission du Grand Prix du Japon de vitesse ! Le tout animé par Loulou.

 PAT BOULLAND
Le regretté Patrick Boulland, surnommé Pat », travaillait à Moto Journal (où je l'ai connu). Il couvrait principalement le cross. Pat rejoindra la rédaction de Moto Revue en 1982. Jean-Louis Bernardelli y sera pour beaucoup. Pat, formidable photographe et personnage aussi délirant qu'attachant, ami de tous les pilotes et de tous, travaillera au service TT de Moto Revue où il élargira son registre, trouvant ainsi un « terrain » aux dimensions de son talent 

LES LIVRES
- Le trial, avec Gilles Burgat
- Folie du motocross et Images du motocross, avec Pat Bouland, (édité à compte d’auteur !) - L'année motocross, avec Eric Breton et Xavier Audouard
- Le grand livre de l’aventure, en collaboration avec tous les aventuriers du moment, chez Laffond.

 LE TEAM « FOUTREX »
Le team « Foutrex » a été formé à la fin des années 70 par Jean-Louis Bernardelli, Eric Breton (Moto Revue), Jean-François Dunac (TF1), Philippe Cornut (Photographe) et Micou Montange (Moto Journal). S'alignant principalement au départ d'enduros, la fine (enfin pas toujours…) équipe a également tâté du bitume avec une participation à un Bol d'Argent au Castellet (Dunac/Breton). Pas triste.

BIG FROG
Jean-Louis Bernardelli a été deux années durant speaker de l'un des plus importants meetings aériens européens à La Ferté-Alais (sud de l'Essonne, mois de juin). On le retrouve également dans l'équipe du projet Big Frog, soit la participation d'un avion de vitesse tricolore aux Reno Air races en 2011 (Nevada, course à basse altitude sur un circuit d’un peu plus de 10 km balisé par 10 pylônes, vitesse de l’ordre de 650/700km/h). Il est vrai que Jean-Louis fut secrétaire général de la rédaction d'Info-pilote, journal mensuel destiné aux pilotes d’avion privés édité par la Fédération Française Aéronautique (F.F.A.).

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