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Jean Bernard Peyré

Photos Michel Picard

30 septembre 1952 (Saint-André-du-Bois, Gironde), disparu le 25 août 1980 


Il ya 30 ans grands pilotes français nous quittaient à jamais. Il y eu tout d'abord Olivier Chevalier ensuite Patrick Pons, Jean Bernard Peyré et Christian Léon. J'ai rendu hommages à 3 d'entre eux dans BIKE 70, Jean Bernard Peyré n'a pas été oublié, mais je n'avais pas suffisamment de documents pour lui consacrer rune page ... Aujourd'hui, grâce à son ami Michel Picard et avec la complicité de François Gomis, l'oubli est effacé ... je laisse Michel Picard vous relater son hommage. 

"Je vous adresse cet hommage que j'ai écrit sur Jean-Bernard Peyré qui a été , comme vous pourrez lire, un grand Monsieur de l'endurance ,à l'origine de l'arrivée de Suzuki et dont la vie s'est arrêtée tragiquement voici 30 ans. Je suis le photographe et chronométreur depuis l'époque Cassegrain, puis Pipart et Suzuki. J'ai connu votre site depuis hélas le drame de l'accident de Bruno Bonhuil, mais je suis bien occupé et je n'ai jamais pris le temps de vous écrire, sauf une lettre dans le courrier à Bruno. Tout ce que vous avez fait est bien-sûr formidable et je tiens à vous en féliciter. Je vais mettre cet hommage en place au Bol d'Or où nous aurons le temps de nous rencontrer entre les essais et la course. J'ai eu la Maman de Jean-Bernard qui m'a dit " c'est bien Michel de penser à lui et si tu ne le fait pas , personne d'autre ne le fera". C'est dans ce sens que votre site touche le coeur de toute une génération qui est le terreau de la compétition actuelle mais dont les jeunes ne connaissent pas l'origine véritable. Si vous pouvez mettre cela en ligne ce serait bien pour la mémoire collective. A bientôt. Bien amicalement"

Michel Picard


Jean-Bernard Peyré : déjà 30 ans !Au volant de sa Renault 5 Alpine Turbo argent, le regard livide, Jean-Bernard lâche après un quart d'heure de silence: «J'ai pris dix ans d'un seul coup !».Nous sommes le Lundi 18 Août 1980 de retour des obsèques de Patrick Pons à Poses.

Exactement huit jours plus tard, Jean-Bernard Peyré perd la vie, à son tour, sous les roues d'un camion. Un choc émotionnel aux ondes de résonance insoutenables qui me plonge toujours dans un immense désarroi, trente ans plus tard.La passion pour la moto nous avait réunie, unie comme des frères ne sachant pas encore qu'elle pouvait tout reprendre, tout vieillir.

Jean-Bernard voit le jour le 30 Septembre 1952 à saint-André du Bois en Gironde. Il débute la compétition moto en 1973 par la Coupe Kawasaki remportant à Montlhéry sa première course sous la pluie «J'aimais bien la S2 Kawa, elle avait une tenue de route exceptionnelle».

En 1974, il apprend l'endurance aux côtés de Didier Ravel (8èmes au Bol d'Or) sur une 900 Kawa du concessionnaire Jacques Leuridan et ce, grâce à l'aide d'Albert Judenne, directeur des services techniques après-vente de la Sidemm et de l'œil bienveillant du patron de l'importation Kawa : Xavier Maugendre

 

1974 100 km du Mans 

En 1975, Jean-Bernard Peyré fonde avec Judenne l'écurie JPM (Judenne, Peyré, Motul) se classant avec Didier Ravel, le frère de Christian, 5èmes au Bol d'Or.

Bol d'Or 1975 la moto du Team
JPM termine 5e
 

Tout en travaillant au garage familial de Chaville, puis de Versailles, Jean-Bernard assure la préparation des motos avec l'aide d'un certain Dominique Méliand qui vient de raccrocher son cuir. Chaque soir, le travail à l' EDF achevé, Dominique débute une seconde journée dans le petit atelier qui jouxte le pavillon situé au leu dit des « Metz », sur les hauteurs de Jouy-en-Josas.

En 1976, nos chemins se croisent car Jean-Jacques Cassegrain, concessionnaire Kawasaki à Orléans, délègue la préparation trop prenante des 1000 Kawa de son écurie très réputée (victoire au Tour Moto 74, seconde place au Bol 75 avec Estrosi-Husson) à Jean-Bernard qui devient pilote-préparateur à temps complet. Cette association est couronnée de succès par la victoire avec Maurice Maingret aux 8 heures du Nürburgring sur le mythique circuit de l'Eifel.

 

1976 : La Kawasaki 1000
de l'Ecurie Cassegrain aux 1000 km du Mans .

1976 : Victoire avec Maurice Maingret aux 8 heures du Nürburgring. 

En 1977, Guy Pipart, concessionnaire Kawasaki à Chelles et à Meaux prend le relais de Cassegrain, et, le Pipart Racing Team, aidé par la Sidemm Total et Eyquem, s'attaque au championnat d'Europe d'endurance. Hervé Moineau, qui effectue son service militaire au Bataillon de Joinville, épaule Jean-Bernard (6èmes au Nürburgring, 5èmes au Castellet, 6èmes à Mettet et 7èmes à Thruxton).

1977 : 24H de Barcelone 

Bol d'Or 1977 : Ecurie Pipart 

1978 est une année fructueuse pour le duo Peyré-Maingret du Pipart Racing Team (seconds aux premières 24 H du Mans et aux 24 H de Liège, 4èmes au Bol d'Or et 5èmes aux 24 H de Barcelone dans le dangereux Parc de Montjuich).

Photo : l’écurie Pipart, 4éme place au Bol d'Or 1978 avec (de g. à d.) Dominique Méliand, Alain Terrier (mécaniciens), Jean-Bernard Peyré, Guy Pipart (directeur), Jean Gallard (Directeur du Service course Total), Alain Monnot (manager Pipart et ex-Cassegrain), Maurice Maingret, caché Yves Barbé et Jean-Claude Peyré (ravitaillement). 

1979 est la dernière saison des belles Kawa vertes de Pipart (4èmes à Assen et au Nürburg, 5èmes à Brands-Hatch

1979 5èmes à Brands-Hatch 

En fin d'année, Jean-Bernard Peyré est sollicité par l'usine Suzuki pour préparer la venue des GS 1000 R dans le championnat du Monde d'endurance, via l'importateur français de la marque : Pierre Bonnet.Les résultats, la qualité reconnue de la préparation des Kawa Cassegrain, puis Pipart, et le sérieux de la présentation de ces équipes ont été des facteurs déterminants dans le choix effectué par les dirigeants Japonais Suzuki et de leur directeur du service compétition M. Mitsuo Itoh.

Les talents de pilotage (essayeur Michelin) et de metteur au point (bras cantilever, bougies Eyquem et huile Labo) de Jean-Bernard Peyré sont donc dorénavant reconnus mondialement.

La saison 1980 débute en fanfare avec la seconde place acquise aux 24 H du Mans avec Fabien Gibol et la victoire dans la catégorie TTF1.

 

24 Heures de Barcelone 1980 avant le départ (Abandon. chute de J-B.) 

Les deux ex-Kawa Pipart sont relookées aux couleurs du mensuel Motoplay. «Elles ont de la gueule» s'exclame Jean-Bernard avec un œil attendri. Elles se classent 4èmes aux mains expertes de Gilles Desheulles et de Philippe Vassard et 12èmes (après un changement de culasse) avec les deux frangins Gomis, Laurent et François. Ce dernier, rédacteur en chef de Motoplay, se voit récompensé de son opiniâtreté pour avoir convaincu son éditeur d'un tel engagement en endurance.

En Autriche, la Suzuki remporte sa première victoire aux 1 000 km de Zeltweg avec un jeune loup talentueux repéré par Jean-Bernard, Pierre-Etienne Samin. Après la 4ème place obtenue à Suzuka, la 5ème au Nürburgring, la 6ème à Assen; Jean-Bernard Peyré et l'écurie Suzuki-France Kvas (bougies et lubrifiants moto Labo) sont en tête du championnat du Monde d'endurance.Tout bascule le Lundi 25 Août 1980.Une portion rapide d'autoroute à deux pas du Petit-Clamart avec des travaux entrepris durant le voyage à Suzuka, une déviation surprise dans une courbe trop connue et prise habituellement à fond, un rail ouvert en guise de chicane : tel est le décor du drame . Ajouter-y un «putain» de camion placé au mauvais endroit, à la mauvaise seconde...En ce beau début d'après-midi de fin de vacances, rien désormais ne sera plus comme avant.Courageusement, les parents de Jean-Bernard et son frère aîné Jean-Claude demandent aux fidèles amis de continuer la préparation en cours des machines pour le Bol d'Or. Une situation bien délicate à gérer pour Dominique Méliand et Jean-Marc Bonnay dit «Snoopy», mécaniciens du team.L'incroyable scénario se produit sur le superbe circuit du Castellet avec les abandons successifs de toutes les Honda, Kawasaki et Yamaha officielles, toutes pilotées par de grands champions (Spencer, Aldana, Baldé, Asami, Van Dulmen, Rigal, Fontan, Moineau, Léon, Chemarin...). La Suzuki # 15, celle que devait piloter Jean-Bernard et qui porte son nom peint sur les flancs du carénage, remporte l'épreuve, tant convoitée, aux mains de son orphelin d'élève Pierre-Etienne Samin associé à Frank Gross. Mieux, le «mulet» engagé pour Jean Monnin et Gary Green, assure un doublé historique mais dans des circonstances exceptionnellement émouvantes où les larmes de satisfaction ont un goût bien amer.Desheulles et Vassard réussissent à franchir l'arrivée, au guidon de la Kawa-Motoplay, à la 4ème position et peuvent en être fiers.30 ans sont passés depuis, mais aujourd'hui, cher «Nono», ton fidèle Dominique et ses «gars» perpétuent ton œuvre de la plus belle des manières.En 1981, le SERT voit le jour à Versailles grâce à la confiance et à l'esprit des Japonais de la «Suzuki Family» dirigée par M. Itoh. Ancien brillant pilote des 50 et 125cc. de l'usine d'Hamamatsu engagée sur le «Continental Circus» des années 60, Mitsuo Itoh est resté très proche des fidèles de l'écurie. Il a été également, hélas, très peiné de la mort de Christian Léon sur le circuit de l'usine le 8 Novembre 1980. Christian, ami et voisin de Dominique Méliand, testait, en catimini, une Suzuki car il devait être le fer de lance du SERT en 81...

Si l'extraordinaire genèse du Suzuki Endurance Racing Team a atteint les sommets mondiaux du succès dans la spécialité (8 titres mondiaux, 12 Bol d'Or, 7 victoires aux 24 Heures du Mans) au point d'entrer dans la légende des sports mécaniques, c'est à toi Jean-Bernard que revient le mérite d'avoir su façonner ce ciment indestructible liant tes fidèles amis d'hier. Dominique, Alain, Yves, Michel sont toujours là, malgré les drames, au sein du SERT, 30 ans plus tard.Rassure-toi, des «nouveaux-anciens et des «petits jeunes-nouveaux» sont là et tu serais fier de les côtoyer, car ils forment l'équipe la plus compétente de l'endurance.Tu as été le catalyseur de cette alchimie faîte de rencontres entre potes de moto-clubs de quartiers Parisiens, d'hommes influents et désintéressés mais passionnés, de décideurs visionnaires.Jean-Bernard Peyré aimait à répéter avec la modestie qui le caractérisait : «La réussite que j'ai, c'est grâce à mes copains».Aujourd'hui, Dominique Méliand a su faire perdurer ton œuvre inachevée au delà de ton destin tragique, fidèle à ta mémoire, à ton esprit et à ta devise : «Toujours faire mieux !».

Pour tout cela: Merci Jean -Bernard ! Henri Cartier-Bresson, le grand maître de la photographie, aimait à répéter: «La grande photographie, c'est un cadeau qui vous est offert mais en même temps c'est le hasard. C'est la vie. La vie mais en même temps c'est la mort. Ça disparaît. C'est fini».

Ma rencontre avec Jean-Bernard Peyré fut aussi le fruit du hasard, comme une photo, comme un grand cadeau de la vie..

Michel Picard Août 2010 

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