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Michel Rougerie

Photos Philippe Folie Dupart, François Gomis et Manferd Mothes

né le 21 avril 1950 à Montreuil 

De tous les pilotes que j’ai vu courir, c’est Michel Rougerie qui m’a le plus fasciné. Pour moi c’était celui qui avait le pilotage le plus généreux, le plus spectaculaire, le plus agressif de tous les pilotes du Continental Circus. Quand les autres redressaient le buste lors d’un freinage, lui restait le nez dans la bulle, tel un bouledogue agressif.
Michel c’était aussi la décontraction, l’humour, la gentillesse, la disponibilité pour ses fans.
Il n’était pas rare de le voir débouler dans le paddock au volant d’une superbe voiture de sport (rouge de préférence) et s’arrêter pour discuter ou donner des autographes.
Dans les paddocks il était rarement seul, grâce à sa « personnalité » et à son art de la « déconnade » il y avait beaucoup de pilotes qui aimaient bien se retrouver avec lui pour délirer et se faire une bonne bouffe.
C’était enfin un vrai motard, un de la bande de Maison Alfort, qui savait si bien jurer et parler « vrai ». J’ai admiré les Baldé, Pons, Fernandez, Chevalier et toute cette bande de pilotes français qui écumaient avec brio les Grands Prix, mais Michel j’aurai bien aimé qu’il soit mon grand frère et quelque part tu l’es devenu... Mimile. 

Francis Boutet 


« Je m’appelle Michel Rougerie et je suis né le 21 avril 1950 à Montreuil. Depuis ma plus tendre enfance, je n’ai pas quitté la banlieue Est de Paris, puisque j’habite à Rosny-sous-Bois à présent. Je suis plutôt petit puisque je mesure 1,68 m pour 61 kg, ce qui me permet de me caler parfaitement derrière le carénage des Harley-Davidson que je pilote depuis plusieurs années. En 1975 enfin, je me vois confier de vraies motos d’usine avec l’assistance d’usine. Je suis le premier pilote français à atteindre ce stade mais il y a beaucoup de mes camarades qui peuvent prétendre à une excellente place dans la hiérarchie mondiale. J’aime aller vite, même sur les routes avec ma BMW 30 CSL, j’aime les films d’action , Johnny Hallyday, Michel Sardou, Charles Bronson et Jean Paul Belmondo. Le pilote que j’admire le plus est Giacomo Agostini bien qu’il soit controversé. En France j’admire Tchernine qui est issu du même milieu que moi. Nous sortons souvent ensemble et nous avons de nombreuses affinités. Pour ce qui est des femmes, je les aime pratiquement toutes à la condition qu’elles ne soient pas trop encombrantes, c’est à peu près tout ce que je leur demande. D’une manière générale mes ambitions sont simples : je veux être le premier et en tirer le plus grand nombre possible d’avantages. »

Michel Rougerie
Interview, donné pour le livre « Les grands de la moto – Editions PAC – 1975 »
de Remi Fernandez et Michel Leblond


1950 - 1964 SON ENFANCE 

Michel est né dans une famille modeste en avril 1950.
Son père était chauffeur-livreur et sa mère vernisseuse dans une fabrique de meubles.
Ses parents à force de sacrifices arrivent à se payer (c'est le père de Michel qui bâtira cette maison de ses mains) un petit pavillon à Rosny-sous-Bois et Michel quitte donc Montreuil pour … Compiègne, car pendant la construction du pavillon qui a duré environ 5 ans, Michel de l'age de 6 à 11 ans, ira vivre chez sa grand-mère, dont il garda de très bons souvenirs.
C'est à Compiègne qu'il commence sa " carrière " de pilote, en se fabriquant une sorte de chariot à partir d'une caisse montée sur roulements à billes. Les routes étaient peu fréquentées et il s'amusait avec ses copains à dévaler la pente rapide sur ces chariots. Mais à 11 ans, le pavillon étant terminé il retourne vivre à Rosny et il entame ses études secondaires au lycée de Montreuil.
Bon élève au début, il lâche prise vers 13-14 ans, car à cette époque deux " choses " commencent à lui occuper l'esprit, les filles, le lycée de Montreuil était mixte et …. La moto.  

1964 SES PREMIERES " MOTOS "

 A 14 ans (il en rêve déjà depuis un an), avec la complicité de son père (ex motard), il réussit à convaincre sa mère de lui acheter un cyclomoteur. C'était un Flash Paloma à vitesses qu'il réussit à débrider avant la réglementation limitant la vitesse des cyclos à 50 km/h.
A la fin de la de la 3eme ; il quitte le lycée pour entrer à l'Ecole Centrale d'Electronique près de la Porte St Martin, afin de devenir ingénieur en électronique. Il y restera 4 ans et demi sur les sept années initialement prévues. En effet Michel allait découvrir une passion qui ne devait plus le quitter : LA MOTO.
A 16 ans, il pense un instant courir en 50cc avec son Paloma, mais réussissant à se faire payer un 305 Honda (toujours grâce à son père), c'est sur cette moto qu'il commence à courir avec son meilleur copain, Bibi (José Quintana) qui a acheté lui aussi un 305 Honda.
Il prend sa première licence en 1969 et il débute à la Cote Lapize.
En complément de sa Honda, Michel achète une 125 TSS Bultaco chez un certain Roca à Nevers. Mais cette moto ne marcha pas bien, elle n'arrête pas de serrer, alors qu'avec la Honda il obtient de meilleurs résultats, puisqu'il finira la saison 69 comme troisième nationale en 350 cc.
Mais cette année un événement va faire basculer l'avenir de Michel, le Bol d'Or.

BOL 1969 de Michel Rougerie

Sa participation au Bol 69, est du à 3 coups de chance. C'est d'abord sa rencontre avec Robert Assante. Ce dernier travaillait chez Jean Murit et Michel l'a rencontré quand il venait y chercher des pièces racing pour son 305 Honda (Assante courrait lui aussi sur cette machine).
Ils deviennent alors de très bons amis. Ensuite Robert Assante devient le nouveau directeur commercial de Japauto et Michel est allé le voir pour de nouvelles pièces car il courrait les 1000 km du Mans, deux semaines avant le Bol d'Or. Lors de sa visite, il soumet une idée à son ami : convaincre M. Vilaséca (le patron), d'engager la nouvelle moto japonaise qui venait de sortir en Europe, la 750 Honda.

Il participe au 1000 km du Mans avec son copain Bibi sur la 305 Honda, mais ils doivent abandonner sur casse. Ce jour là c'est Ravel sur H1R qui gagne devant Urdich sur Honda 250 CB 72. Après la course Urdich passe chez Japauto pour rendre des pièces et il fait la même proposition que Michel concernant l'engagement de la 750 Honda. M. Vilaséca séduit par l'idée engage Urdich en 750, mais son coéquipier n'ayant qu'une licence junior (limitée à 250 cc) ne peut pas lui aussi être engagé. Robert Assante pense aussitôt à Michel, c'est son 2eme coup de chance.
La moto est rapidement et succinctement préparée (commandes reculées, bracelets, petit dosseret, pas de carénage mais une bulle etc. …et Vilaséca la présente aux pilotes.
Le Jeudi précédent la course, le patron de Japauto entre dans l'atelier et dit à ses pilotes : " Demain n'ayez pas l'air surpris quand vous verrez la moto !!! ". Rougerie, Urdich et Assante se regardent incrédules. La moto ils la connaissent, car c'est eux qui l'ont préparée et ils ne voient pas ce qui pourrait les surprendre.
Le lendemain ils comprennent. Ce n'est plus la même moto qui est devant eux, mais la 750 Honda d'usine que M. Vilaséca a réussi à obtenir des japonais.
C'est là que réside le troisième coup de chance (coup de Bol) de Michel. En effet la course se déroulant à Montlhéry, seuls les pilotes français peuvent y participer. Les pilotes d'usine étant anglais, l'usine décide donc de la confier à des français.

Tout le monde connaît la suite, Urdich et Rougerie gagnent la course.
Pourtant tout ne fut pas si facile. Les deux pilotes manquaient cruellement d'expérience et Urdich refusa même un relais à la tombée de la nuit et sous la pluie. Il fallut l'intervention " musclée " de Mme Assante, pour qu'il se décide à reprendre la piste. Mais paralysé par la peur, le pauvre Urdich est très lent. C'est une Kawasaki qui reprend alors la tête, celle pilotée par Guénard et Morel. Les Japonais demandent à Michel de reprendre le guidon et de tout faire pour repasser en tête. Après un relais d'anthologie, Michel repasse en tête et grâce à cet exploit et au jour qui revient, Urdich reprend confiance et l'équipage gardera la tête jusqu'au bout. Après cette course Michel Rougerie, prend une grave décision, il ne sera pas ingénieur en électronique, mais pilote de moto professionnel.

1970 - 1974 : SON DEBUT EN VITESSE 

Après le Bol, c'est un autre événement qui allait marquer la carrière de Michel, sa rencontre en 1970 avec Robert. Leconte qui obtient l'importation en France des futures célèbres machines italiennes Aermacchi. Michel obtient deux motos italiennes. Une 125 et une 350, mais ces motos ne sont pas des balles. Heureusement Michel avant son accord avec M. Leconte a fait l'acquisition du top de l'époque pour un privé : une Kawasaki H1R (celle de Bétemps).
M. Leconte se rends vite compte que Michel ne gagnera jamais avec sa 350 italienne, il lui donne alors l'autorisation de rouler avec la H1R et Michel devient champion de France 500 en 1971. Cette même année il court aussi le championnat de France en catégorie 125, dominée par Thierry Tchernine et obtiendra quelques belles places.

En 1972 il signe un contrat avec M. Leconte, devenant ainsi le premier pilote professionnel français.
Puisqu'il était pilote d'importateur, payé au mois.
Il s'engage en 125, 250 et 350 (les 250 et 350 étant les machines de Pasolini de 1971).

 En 350, il ravit le titre de champion de France aux Yamaha et à Christian Bourgeois. En 250, le titre se joue sur la dernière course, les Coupes du Salon à Montlhéry. Rougerie et Bourgeois sont face à face, Yamaha contre Aermacchi. Devant les usines qui ont fait le déplacement c'est finalement Michel qui l'emporte et qui s'adjuge ainsi le doublé 250 - 350, terminant également 2eme du championnat 125.

Grâce à la plus importante revue de jeunes, Hit, qui finance une partie de l'écurie de l'importateur Harley Davidson et qui consacre de nombreux articles à la moto, Michel Rougerie deviendra très populaire.

L'année 1973, verra l'arrivée de Michel dans les Grands Prix. Le contrat le liant à l'écurie italienne est reconduit et en plus du championnat de France, Michel doit participer à tous les Grands Prix (250 - 500).
Cette année là il accumule les places d'honneurs en Grands Prix 250 : 4eme en France, 2eme en Hollande, 4 eme en Belgique (5eme en 500), 2eme en Tchécoslovaquie, 6 eme en Espagne.
Il termine finalement 5eme du championnat du monde 250.

Pour 1974, tout le monde pense que Rougerie sera champion du monde 250. Mais Rougerie lui-même émet quelques réserves et malheureusement ses doutes seront justifiés.
En effet une série impressionnante de mauvais coups du sort vont le poursuivre pendant cette année.
Tout d'abord les nombreuses grèves qui paralysent l'Italie, l'empêchent de recevoir ses pièces de l'usine, notamment les nouveaux disques qui doivent être installés sur sa machine. Il fera alors les premiers Grands Prix avec des tambours !!! Ensuite c'est une bougie qui le lâche sous la pluie en Autriche alors qu'il était en tête (il terminera 5eme). Au Castelet c'est son mécano depuis de nombreuses années, Fargues, qui quitte l 'écurie.

A Imatra en 350, alors qu'il se rapproche du leader (J. Dodds), c'est un fil de bougie qui se débranche, le reléguant à la 8eme place.
En Tchécoslovaquie, alors qu'il avait la pole et qu'il bagarrait en tête, c'est un joint de moteur qui cède.
Sa meilleure place, il l'obtient en 250 à Imatra en se tirant une bourre phénoménale avec Walter Villa (pilote d'usine Harley), mais c'est finalement Villa qui gagne devant Michel.
Dans le parc coureur, Phil Read le félicite et lui dit " tu avais des ordres pour le laisser gagner pas vrai ? ". Michel esquisse un maigre sourire et ne répond pas. Ses larmes sur le podium confirma ce qu'avait pressenti Read. Il avait fait son travail d'équipier et grâce à son geste Villa était presque sur d'être couronné champion du monde.
Le moral au plus bas, avec l'accord de Leconte, Michel ne participera pas au GP d'Espagne, mais il courra le Bol d'Or sur une 900 BMW.

1975 - 1981 LES ESPOIRS DECUS 

En 1975, Michel devient le premier pilote d’usine, puisqu’il signe son contrat directement avec le directeur de AMF Etats Unis, M. Thorpe. Il se battra à armes égales avec son coéquipier, Walter Villa.
Cette année 1975, voit Michel collectionner les places d’honneur. Il gagne même deux grands prix consécutivement : la Finlande et la Tchécoslovaquie.
Il termine cette année 1975 avec 91 points contre 85 pour Villa …. C’est pourtant Villa qui sera sacré champion du monde. Le règlement de l’époque ne prenait en compte que les 6 meilleurs résultats. Il reste néanmoins pour beaucoup de fans le véritable champion du monde.

Pour 1976, tout le monde se dit que Michel va prendre sa revanche et qu’il sera encore une fois l’un des favoris à la course au titre. Mais l’annonce de l’usine Harley Davidson, explosa comme une bombe dans le cœur des supporters de Michel ; il décidait de se séparer du pilote français, le remplaçant par Bonera.
Heureusement l’écurie Elf, dont le programme était très ambitieux, offrit une place à Michel.
Il devait en effet courir dans trois catégories 250, 500 et 750 cm3.
Malgré son désir de briller dans les 3 catégories (250, 500 et 750 cm3), Michel doit dès le début de la saison abandonner ses prétentions en catégorie 250 cm3 et en 500 cm3 sa Suzuki lui amène que des déceptions. Par contre en 750, alors qu’il était en passe de coiffer la couronne mondiale, un accident de voiture ruine tous ses espoirs. En effet astragale cassé, sa saison est fichue, il termine quand même 4me des 750 cm3. 

En 1977, Elf reconduit son aide, mais son budget est trop serré pour qu’il puisse courir comme il l’entendait et il en souffrira toute l ‘année.
Pourtant en 350 cm3, il réalise de belles courses, il gagne même le Grand Prix d’Espagne au guidon d’une 350 Yamaha de l’écurie italienne Diemme et il se classa 4eme à la fin du championnat. Mais le grand rêve de Michel était de briller dans la catégorie reine, les 500.

1978, ne verra pas se réaliser ce rêve, car malgré de belles bagarres en 500 et 350 cm3, dans lesquelles Michel démontrait ses qualités de battant, il ne put faire mieux que sixième en 350 cm3 et dixième en 500 cm3.

L’année 1979 sera encore pire. Alors que Patrick Pons brille au firmament du sport moto en remportant le titre mondial 750 cm3, Michel a beaucoup de mal avec sa 500 Suzuki.
Il termine 15 eme du championnat en ayant réalisé quelques places dans les points (5e au Venezuela, 9e en Espagne, 6e en Yougoslavie, 8e en France).
Par contre en 350 cm3, il finit à une maigre 17e place (6e en Angleterre et en France)

En 1980, le sport moto français est en deuil. Olivier Chevalier et Patrick Pons se tuent en course et Christian Léon disparaît lors d’essais privés. Michel est marqué par la disparition de ses potes de paddock. Il terminera 17e en 500 cm3 toujours sur Suzuki, sa 7e place en France sera son seul résultat.

 1981, L'ANNEE DU DRAME

Incorporé dans le team Pernod en 350 cm3, les résultats tardent à venir. Le déclic se produit en Yougoslavie, où aux essais il part en 1ere ligne après avoir réalisé le 5e temps, derrière Mang, Lavado, Baldé, et Cornu. Une terrible chute met fin définitivement aux espoirs de Mimile.
Parfois dans mes rêves les plus fous, je crois entendre, tout là haut, des motos se tirer la bourre. En me laissant aller un peu plus je vois, Jarno faire l'exter à Michel, tandis que Patrick prend l'aspi d'Olivier et de Renzo, alors qu'un peloton de furieux est emmené par Christian…

 PALMARES

Place Mondial
AnnéeMotoClasseRésultats
81972AER125 ccF 9
321972AER350 ccF 9
51973HAR250 ccF 4 - NL 2 - B 4 - CS 2 - E 6
341973HAR350 ccCS 7
291973HAR500 ccB 5
91974HAR250 ccB 5 - S 8 - SF 2
71974HAR350 ccF 5 - A 5 - I 3 - SF 8
161974HAR500 ccF 5 - B 6 - CS 8
21975HAR250 ccF 3 - E 6 - D 2 - I 3 - NL 2 - B 2 - SF 1 - CS 1
281975HAR500 ccF 7
151976SUZ500 ccA 4 - B 4
271977YAM250 ccE 6
41977YAM350 ccD 9 - I 4 - E 1 - YU 3 - NL 2 - CS 8
121977SUZ500 ccNL 8 - SF 4 - CS 3
61978YAM350 ccA 6 - F 10 - I 4 - S 10 - SF 7 - GB 4 - D 3 - CS 3
101978SUZ500 ccA 6 - NL 6 - B 4 - D 6
161979YAM350 ccGB 6 - F 6
141979SUZ500 ccYV 5 - E 9 - YU 6 - F 8
171980SUZ500 ccF 7
32
1981
YAM
350 cc
I 10 


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