Né le 01 Avril 1956 - décès le 03 Octobre en 2017
Pilote talentueux qui a gagner une manche de la Coupe Kawasaki au Mans en ouverture du Bol d’Or et qui décrochera le titre national en 1976, c'est lui aussi qui a accompagné en GP 500cc le projet Elf.
Christian l’entrepreneur, le créateur, l’insatiable monteur de projet, lui qui promettait toujours un lendemain meilleur que la veille. Christian c’était le charme, le talent, la créativité et le sens de l’amitié.
Pleinement engagé sur le développement de la Elf en endurance et en grand prix, il débuta en championnat du monde d'Endurance en 1979 au guidon d'une Kawasaki, ensuite au guidon de la Honda Elf en 1982 et sur une Suzuki en 1986.
Il fit ses armes en Grand Prix en 1981 en Angleterre au guidon d'une 250cc Yamaha.
Ensuite il pilotera en 500cc, d'abord sur une Suzuki en 1982 lors du GP de France et ensuite intégré au projet ELF - Honda - Chevallier à partir de 1984. Voilà maintenant, 5 ans que Christian Le Liard nous a quitté, le Mardi 03 Octobre 2017 des suites d'un arrêt cardiaque à l'âge de 61 ans.
Serge Frocheur
ARTICLE SUR LA ELF E
Informations tirées de France Moto N° 154 du 15 février 1982
PAR TENU
Après trois ans et demi d'efforts, Elf vient de prouver à tous que son prototype à moteur Honda était parfaitement dans le coup et qu'à court terme il pourrait être au niveau des productions des autres usines s'intéressant à l'endurance. Mais le but de Elf n'est pas que l'endurance et le créateur de la moto portant son nom, André de Cortanze, va nous réserver très prochainement une grosse surprise.
Pour savoir tout ce qui se passe chez Elf, nous avons interrogé le pilote maison, Christian Le Liard, qui pilotera et mettra au point la Elf-E en compagnie du Suisse Roland Freymond. Vue de profil de la Elf-E.La Elf-E a connu diverses fortunes depuis sa présentation au salon de la Moto de Course fin 78. Décriée par beaucoup, considérée comme un vague coup de pub par d'autres lors de son apparition, elle est maintenant sur le point d'être adulée. Certes, la critique existe toujours mais la "jalouseté et la méchancerie" ont toujours été les fruits des mauvaises langues.
Après sa sortir au Salon de la Compétition, Rougerie et Frutschi se sont succédés a son guidon pour tenter de la rendre compétitive en F 750. Malheureusement, le 750 Yamaha faisait apparaître de gros défauts dûs en partie à la jeunesse de la Elf-E, mais aussi au moteur lui-même qui, n'étant pas prévu pour être porteur, occasionnait trop de vibrations. Après diverses solutions et l'arrêt de la formule 750, André de Cortanze adopta le bloc moteur Honda, se tournant vers l'endurance, c'est un journaliste de Moto-Revue, Jean-Lou Colin, qui allait en collaboration avec Villa l'ex-Champion du Monde, poursuivre la mise au point de la Elf-E ; hélas la moto ne progressait guère quand le nom de Le Liard fut prononcé. Contact fut pris et le premier rendez-vous avec la Elf-E eut lieu pour Le Liard.
La bonne surprise du Bol
Vue arrière de la Elf-E.Dès la première séance d'essais, Le Liard allait améliorer de deux secondes le meilleur temps de la moto ; puis il allait travailler sur des problèmes mécaniques s'attachant à l'alimentation, la pompe envoyant de l'essence en trop grande quantité.
La saison 81 passa rapidement tout comme les séances d'essais, mais à la veille du Bol d'Or, les temps au tour étaient de 2 minutes et seconde, presque dix secondes de mieux qu'en début d'année. Dans le stand Elf, c'est la fête: la moto réussit le 9ème temps des essais du Bol: jamais François Guiter le patron, André de Cortanze le concepteur, et Alain Chaligne, qui s'occupe de la réalisation, n'avaient été à pareille fête. Samedi à 15 h 30, le départ vient d'être donné et déjà les premières machines bouclent leur premier tour et, là, devant les yeux ébahis du stand Elf, Le Liard est en troisième position en bagarre avec les motos d'usine de Moineau (Suzuki) et Huguet (Kawasaki).
Au fil des tours, Le Liard et la Elf-E naviguent entre les trois et quatrième places jusqu'au premier relais où va s'amorcer la douloureuse dégringolade. C'est d'abord Villa peu en forme, puis une panne d'essence (un comble pour un pétrolier) et enfin un bris d'arbre de roue qui entraîne la casse de la chaine secondaire. Cette dernière va se loger dans le moteur. Bilan: moteur explosé. Peu importe, on répare et, en début de nuit, Le Liard signe le second meilleur temps. Malheureusement la reprise de la piste sera de courte durée: la moto va recasser son moteur dans les mêmes conditions que la première fois. Cette fois, c'est l'abandon officiel, mais la Elf-E et toute son équipe, pilotes, mécanos, ont enfin prouvé que cette moto peut aller très vite et l'année 82 devrait être sans nul doute fertile en résultats.
Projet à court et long terme
La Elf-E au Bol d'Or.
Dans le court terme. le but de Elf est de faire participer le proto à toutes les courses d'endurance se déroulant en France. A ce sujet, Christian Le Liard explique: "Je pense que comme pour toutes les entreprises très actives le but poursuivi par Elf est de dynamiser l'image de marque d'un produit. Elf est une société pétrolière qui humanise ses actions à travers le sport. Il y a bien sûr les sports mécaniques représentatifs du produit comme Renault en F1 et lors du Paris-Dakar, la moto avec la Elf-E mais on retrouve aussi Elf en vélo et en bateaux sous le vocable "Elf Aquitaine". Dans un avenir proche, Elf va participer aux 24 Heures du Mans et au Bol d'Or 82, avec Freymond et moi-même. De plus nous allons intensifier les séances d'essais qui nous permettrons dès les 24 Heures du Mans d'être à même de jouer les premiers rôles.
D'ailleurs, à cet effet, je pars au Mugello du 8 au 15 février pour essayer la nouvelle Elf-E qui se singularise par un rétréciscement de 7 cm et une cure d'amaigrissement (dix kilos). De plus, la répartition du poids et l'aérodynamisme ont été entièrement revus. A ces données, il faut ajouter le fait que Dunlop va nous fournir de nouvelles gommes, tout ceci devant nous apporter un gain de 2 à 3 secondes. Quand à l'avenir de la Elf-E, il est déjà progammé, mais la décision reste entre les mains des grands patrons et sera fonction de la progression et des résultats". Sur la question de la venue en 500 avec un moteur 500 ou 250 Turbo Renault, Le Liard n'a pas fait de commentaires mais lorsqu'on sait que depuis deux ans, Renault procède à des essais de moteur de petites cylindrées (par rapport à la F1), on se demande si le projet à long terme n'est pas une moto 100 % Française de compétition fabriquée sous l'égide Renault/Efl.
Les raisons d'un choix
Détail de la partie arrière qui permet d'apprécier le travail réalisé sur le réservoir et le bras oscillant.A propos de votre programme 82, pourquoi avoir choisi Elf plutôt que Honda et Kawasaki qui vous "faisaient de l'oeil" depuis plus d'un an ? "Cela n'a pas été simple. Les propositions en endurance étaient alléchantes, mais Elf me faisait mener de front la création ou du moins l'évolution d'un proto d'endurance tout en me permettant d'accéder aux 500 de Grands Prix: cela m'a enthousiasmé. J'ai aussi fait mon choix en fonction du caractère humain d'Elf, qui me semble être une grande famille. Côté managers, j'ai été déçu de la réaction de Serge Rosset: quand j'ai refusé son offre, il a réagi curieusement et je crois qu'il ne comprend pas pourquoi j'ai préféré l'aventure de la Elf-E et de la 500 à un éventuel titre de Champion du Monde sur ses Kawa. Quant à Jean-Louis Guillou, j'ai été agréablement surpris: après tout ce que j'avais entendu dire sur son compte, j'ai trouvé ce monsieur très "pro". Je me dis que Honda l'a compris, et que c'est pourquoi ils tiennent tant à lui. Je pense que Guillou est un homme intelligent qui n'a qu'une idée: réussir la commande qu'on lui passe en début d'année. La preuve en est le Paris-Dakar. A propos de mon choix, on peut ajouter que seul Elf m'a proposé un contrat écrit, alors que Honda et Kawa restaient sur des mots. Ce sont des paroles qui m'ont fait perdre deux ans de ma carrière à attendre des hypothétiques motos. Monsieur Rosset et Monsieur Guillou étaient sincères, j'en suis persuadé, mais Elf c'était un contrat à long terme, sur trois ans.
Détail de la partie arrière qui permet d'apprécier le travail réalisé sur le réservoir et le bras oscillant. C'était une sécurité". Si l'on pouvait résumer en trois points votre choix, comment le définiriez-vous ? "Premièrement, le choix comme je l'ai déjà dit était très difficile, puisque toutes les écuries avec lesquelles j'étais en rapport, avaient un potentiel énorme. Mais, j'ai pensé que la seule solution pour moi de courir en 500, but prioritaire que je me suis assigné, passait par Elf. De plus, je continuais l'endurance avec les deux courses les plus côtées (les 24 Heures et le Bol d'Or), travaillant avec des gens passionnés ayant une structure publicitaire importante et très efficace, liée à une activité de sponsoring à long terme sur les sports mécaniques.
Le deuxième point est la confiance que je porte à André de Cortanze dans le développement du projet de la moto Elf-E. Enfin, troisièmement, cette moto de conception Française, entièrement nouvelle, donnait un élément positif pour le développement de la moto en France ainsi qu'une meilleure image vis à vis du grand public". Vue sur les carburateurs, le réservoir d'huile, la platine de fixation du mono-bras...Comment va se passer votre saison et quels moyens avez-vous ? "Elf m'a donné une somme d'argent avec laquelle je dois faire fonctionner mon écurie. Je vais donc disputer les Grands Prix 500, dans la mesure où cela ne dérangera pas la progression de la Elf-E.
Je disposerai de deux 500 RG 82 Suzuki, d'un camion et de trois mécaniciens. André de Cortanze me suivra sur plusieurs Grand Prix afin de voir les résultats et comment se situe la technique 500. J'ai l'avantage d'avoir toute l'infrastructure Elf derrière moi: ainsi pour les volumes, j'aurais toujours la même essence et les ingénieurs de Solaise passeront mon moteur au banc afin de trouver les meilleurs règlages. De plus, Elf m'a laissé deux ans pour arriver au top niveau 500, ce qui me laisse le repos d'esprit indispensable pour bien faire. Je devrai aussi, avec Freymond, faire progresser la Elf-E grâce à des séances d'essais répétées comme celles du Ricard.
Le seul problème est la formation d'une espèce de coalition çontre moi. Beaucoup de gens pensent que c'est à cause de moi qu'ils ne sont pas ou plus Elf et ils n'ont pas l'air de me croire lorsque je dis que n'importe quel pilote aurait pu être à ma place, sans que la face des choses en soit changée pour autant. C'est sûr et certain, quelque soit le pilote choisi, il n'y aurait pas eu de changement dans la décision de Elf de donner son budget à Messieurs Chevallier et de Cortanze".
Une séance d'essais
La machine conçue et réalisée par André De Cortanze et son équipe est, d'où qu'on la regarde, fort impressionnante.7 h 30: le réveil sonne dans toutes les chambres du Novotel retenu par l'équipe Elf.
7 h 30, il fait encore nuit, mais les mécanos sont déjà sur les lieux depuis 7 heures. Une bonne douche et direction la salle de restaurant pour y prendre un "hénaurme" petit déjeuner car, à midi, on mangera très peu: l'emploi du temps est si serré. Les premiers véhicules arrivent au circuit vers 9 h 15. L'ouverture de la piste se fait à 9 heures, alors on se dépêche. Christian va dans les stands, enfile son cuir et se prépare à tourner sur la moto que les mécaniciens ont préparée.
9 h 15 : Chaligne et le surnommé "Mimi" font chauffer les motos et regardent si rien ne manque. Christian coiffe son casque Kiwi, ajuste ses gants Well et enfourche la moto. De Cortanze fait signe à Christian qu'il faut faire au moins trois tours pour chauffer les pneus à la température extérieure. C'est parti. Le moteur Honda monte en tours et Christian prend possession du circuit du Castellet. Panneau 3 tours: Christian accélère le rythme. 3 tours: bientôt la Elf-E va rejoindre les stands et l'on va discuter, modifier, essayer d'autres solutions. Il est impératif de s'arrêter tous les trois tours, cela fait partie de l'emploi du temps. "Le verdict du règlage, c'est le chrono ! ». Il est d'abord fait sur le premier tour, puis la moyenne des trois.
Ici, vue d'arrière, elle laisse admirer son amortisseur, son réservoir et son échappement.De Cortanze monte dans la voiture et va se placer dans différentes portions du circuit afin de prendre des temps partiels. Il est relié par talkie-walkie au stand, ce qui lui permet de savoir le temps ou le pourquoi de l'arrêt, etc... La moto tourne bien et même si bien que la presse étrangère, présente sur le circuit pour Kawasaki, commence à s'intéresser à cette drôle de moto bleue. Et plus le temps passe, plus les chronos s'améliorent. Ils oscillent entre 1 minute 28 secondes et 6 centième et 1 minute 29 secondes, pas loin du record de la piste. Pourtant les pneus ont du mal à monter en température: il fait un froid de canard. "Lorsque l'on conduit la Elf-E, il faut faire abstraction de toute habitude ou réflexe de conduite acquis avec une moto conventionnelle. Bon nombre de gens sont montés dessus et n'ont pas compris pourquoi cela devait être supérieur.
La Elf-E se place comme une Formule 1 et, lors du freinage, il faut freiner très fort pour que les disques au carbone montent en température. A ce moment là, le freinage est dix fois supérieur à un freinage normal et cela permet de freiner à Signes ou ailleurs 50 mètres plus tard. Lorsque les autres pilotes ou même les journalistes étaient montés en selle, ils avaient trouvé que cela freinait mais sans plus: à mon avis, ils n'ont pas osé la violer.
"La journée va passer très vite et déjà la nuit commence à tomber. Comme sur le cahier des charges, il n'est pas prévu de tourner avec l'éclairage pour voir l'alternateur, toute l'équipe s'arrête, range le matériel et part au restaurant pour faire le point afin de ne pas perdre de temps le lendemain.
Essais, toujours essais: ils sont indispensables
Cela arrive même aux meilleurs: Le Liard vient de chuter et Alain Chaligne s'empresse de relever la moto.Christian Le Liard, 25 ans, pilote Elf (A.M.C.F.).Le réveil sonne encore à 7 h 30 et le ballet recommence: tour de chauffe, réglages... Mais aujourd'hui, on va essayer de nouveaux pneus étant donné que le temps est moins humide. Dès le troisième tour, Le Liard va s'approcher d'une seconde du record du tour (endurance). On rentre au stand, on essaye une autre carcasse, Christian sort des stands, balance à droite et, au moment où il rebalance dans le gauche, la roue avant se dérobe et c'est la chute... Une chute bénigne à 2O kmh, mais une chute, c'est une petite perte de temps au stand pour tout vérifier. Après dix minutes d'arrêt, on s'aperçoit que rien n'a bougé et cela repart.
En début d'après-midi, l'équipe a fait le tour de la question. Maintenant ce qu'il faut, c'est trouver un circuit plus chaud pour les gommes et un copilote pour Le Liard. C'est aujourd'hui chose faite, et du 8 au 15 février, Le Liard et Freymond iront sur le circuit de Mugello en Italie pour essayer les nouveautés. Les journées d'essais de toute l'écurie Elf ou Honda peuvent paraître astreignantes et peu intéressantes, mais elles sont indispensables surtout lorsqu'il s'agit d'un nouveau produit. Il est maintenant certain que la Elf est sortie de sa torpeur de machine de salons pour passer à la phase active sur piste. Personne ne le regrettera et surtout pas nous.
Au sujet de la disparition de Christian Leliard, la FFM souhaite rappeler qu’après sa carrière de pilote, Christian Leliard avait été durant une période promoteur dans le sport moto. A ce titre, il avait été l’organisateur en 1992 de l’unique Grand-Prix de France de vitesse organisé à Magny-cours. C’était également le premier Grand-Prix « nouvelle formule » avec la DORNA comme promoteur (et Bernie Ecclestone cette année-là). Christian a également été cette même année celui qui a initié Jean Michel Bayle à la vitesse en mettant en place une structure qui permit à JMB de participer à ce Grand-Prix 250. Enfin et surtout, Christian restera celui qui a contribué à lancer la filière vitesse en France en mettant en place avec la FFM l’équipe de France espoir qui détectera et sélectionnera cette année-là, Régis Laconi et Olivier Jacques futur champion du monde. Les résultats financiers de ce Grand-Prix ne furent pas très bons et Christian se désengagea du sport moto assez rapidement. Vous trouverez ci-après une photo prise à l’issue de la sélection 1992 de l’équipe de France vitesse (la première). Sont présents debout de gauche à droite : Jean-Pierre Mougin, Marc Fontan, Christian Leliard, Jacques Bolle et au premier rang Regis Laconi et Olivier Jacques.