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Christian Huguet

Photos Claude Cavin

2 juillet 1946 - 20 décembre 1984 

Au mois de mai 2015, aux Coupes Moto Légende, je rencontre Alain Morand créateur et animateur avec Gérard Roland de la page Facebook "Christian Huguet For Ever".https://www.facebook.com/groups/499624640073826/?fref=ts

Nous échangeons sur son idole et je lui fait une promesse, Christian Huguet sera sur BIKE 70 avant la fin de l'année 2015. J'avais commencé à préparer un dossier sur ce talentueux pilote, mais grâce aux documents, palmarès et autres photos collationnés par Alain, j'ai pu finaliser ce projet longtemps remis. Merci Alain pour ta passion, merci pour Christian. Francis  

Christian Huguet est né le 2 juillet 1946 à Paris. Il est né dans une famille de musiciens, mais c'est la musique des moteurs qui l'attire rapidement. Pourtant ses parents ne veulent pas entendre parler de compétition moto et Christian n'insiste pas. Il fait des études secondaires et commence à travailler comme dessinateur. Pourtant le virus est là et sans rien dire à ses parents, à 18 ans il achète sa première moto, une 350 Matchless. Christian aurait bien aimer faire du moto-cross, mais finalement il se rabat sur le trial. Il prend sa première licence, en 1965, au MC Chatillonnais. C'est sur un 50 Flandria, qu'il prépare avec Léon Donguy, qu'il débute en compétition. Il s'essaye également au bitume avec la Flandria gonflée pour la course de côte de Lapize. Ensuite, toujours en trial, il dispose d'une "Spéciale Berthuel" à base de 125 Ydral. 

En 1969, il termine 2e du Championnat de France National de trial avec une Bultaco Sherpa. En parallèle, en 1969, il achète une 500 Kawasaki 3 cylindres et c'est sur cette moto qu'il s'inscrit avec Jacques Danzer au tout nouveau Bol d'Or qui vient de renaitre de ses cendres. Les deux compères feront mieux que de la figuration, car avec une machine préparée par Donguy, il terminent à une très belle 3e place (2e en 500). 

En 1970, sur une 500 Kawa Mach 3, toujours préparée par Léon Donguy, il remporte la course de côte de Lapize (catégorie 500), termine 2ème aux Coupes Eugène Mauve à Montlhéry derrière Michel Bétemps (catégorie 350 / 500cc nationaux), 2ème aux Coupes du Salon à Montlhéry derrière Christian Ravel (catégorie 500cc) et 3ème aux Coupes de Paris à Montlhéry derrière Michel Bétemps et Jean-Claude Costeux (catégorie 500cc). il finira 2e du championnat de France national derrière Bétemps. Pour le Bol d'Or toujours associé à Danzer il termine 15e (3e en 500). 

En 1971, Christian prend sa licence inter et toujours fidèle à Kawasaki, il fait l'acquisition en Suisse d'une 500 H1R (ex Marsowsky) en pièces détachées. Malheureusement Christian n'arrive pas à la faire fonctionner correctement. Avec cette machine il se fait une très grosses frayeur au Mans en sortant à plus de 200 dans la courbe Dunlop.

 En 1972 il décide donc de revenir à des motos standards et il courre les critériums sur une Kawasaki de série. Il termine 1er au cumul des 3 manches aux Trophées Motocyclistes de Champagne à Reims (circuit de Gueux) en Formule libre (nationaux). Il est 3ème de la Coupe du Cinquantenaire de l'AMCF pendant les Journées Motocyclistes du Salon à Montlhéry, derrière Jean-François Baldé et Christian Bourgeois.Toujours à la recherche d'un sponsor, Christian Huguet fait la connaissance du Directeur des Ets Bohat, société qui fabrique des pâtisseries industrielles. Cette société désire aider de jeunes pilotes et par l'intermédiaire de Christian, vont apporter leur soutien à Gilles Husson, Guillet, Willette et Pichon, trois pilotes de la Coupe Kawa, ainsi que les side-caristes Poucelet-Lecorre qui étaient sur le point de raccrocher. Grâce à ce nouveau sponsor, Christian peut s'offrir un 250 Yamaha TD3. 


En 1973, il délaisse donc ses Kawasaki pour courir sur sa 250 Yamaha TD3 préparée par Phil Berthelin. Il réalise de bonnes performances en 250 et s'essayera plus tard à la 750. Il finira la saison à la 4e place du championnat F2 et au cours de la Journée du Salon, il prend la 2e place derrière Rougerie.Dans la famille Huguet, son frère Jean Marie réalise également une très belle saison ... en enduro ... puisqu'il termine vice champion de France d'enduro derrière Queirel il obtient également une médaille d'argent aux ISDT.C'est également à cette époque que Christian décide d'arrêter complètement son métier de dessinateur et devient vendeur essayeur chez Jean Murit. 

En 1974, il obtient le titre de Champion de France National. Cette année là il remporte les Coupes Eugène Mauve en 500 cc, le circuit de Mayenne en 125 cc et 350 cc (et 3e en 250 cc) et gagne également les Journées Motocyclistes du Salon à Montlhéry.En endurance, associé à Roger Ruiz, il coure sur Japauto, il termine 2e des 24h de Montjuich et 5e du Bol d'Or. C'est à cette époque qu'il rencontre une petite firme qui va marquer sa carrière, en effet, avec Patrick Fernandez et Victor Soussan, ils courent sous les couleurs d'une nouvelle écurie, "le team Airelec".

En 1975, Christian Huguet décide de se consacrer à l'endurance tout en participant de temps en temps à des courses de vitesse. Cette année là il reconduit son contrat avec Japauto. Avec toujours Roger Ruiz comme coéquipier, ils vont "frôler" le titre de Champion d'Europe. En effet ils remportent les 24H de Spa et terminent 3e des 24H de Montjuich, 6e des 1000 km du Mugello et 5e des 200 miles de Thruxton. Il ont plus de points que Godier et Genoud, mais cette année là seuls les 3 meilleurs résultats de la saison sont retenus ... Christian Huguet et Roger Ruiz seront donc vice champion d'Europe. Hors championnat d'Europe, il remporte les 1000 km du Mans sur une 350 Yamaha. Il participe brillement à quelques courses de vitesse, dont une belle 5e place au Grand Prix de France 350cc. 

En 1976, il est recruté par Honda pour faire partie de l'écurie officielle en endurance. Il terminera 3e du Championnat d'Europe après avoir gagné les 200 miles de Thruxton (avec Roger Ruiz) et terminé 2e des 24H de Spa (avec Daniel Rouge) et 4e des 24H de Montjuich (avec Roger Ruiz). En vitesse il termine à une belle 8e place lors de la manche française de la Coupe FIM 750. 

Pour 1977, c'est avec Pentti Korhonen qu'il fera équipe sur une Honda Officielle. Il terminera encore 3e du Championnat d'Europe d'Endurance grâce à de nombreuses places d'honneur ... 3e du Bol d'Or, 2e des 500 miles de Thruxton ... et une très belle victoire aux 24H de Montjuich. Christian adore ce circuit exigeant et il déclarait " A Barcelone, je me sens capable de batte n'importe qui ... parce que c'est long, c'est épuisant et parce que j'ai remarqué qu'il y a toujours un moment où les meilleurs se laissent aller au découragement ..." Coté vitesse, Christian termine 3e (derrière Ditchburn et Pons) lors d'une course 750 à Nogaro. Il termine également 3e de la 2e manche du Trophée du Million. 

Pour 1978, Christian Huguet roule sur la Kawasaki Kool avec Michel Frutschi comme coéquipier. Ce sera une année noire avec de nombreuse casses, comme au Bol d'Or, où après de nombreux ennuis mécaniques, l'équipage abandonne à 22H35. Aucun pont marqué dans le championnat d'Europe. 

1979, Christian repart avec Kawasaki. Ce sera une meilleure année avec deux victoires, une aux 6 Heures d'Assen (coéquipier Hervé Moineau) et une autre aux 1000 km de Brands Hatch (coéquipier Richard Hubin). Dans sa course fétiche des 24H de Montjuich, associé à Hervé Moineau, il terminera à la 2e place. Finalement c'est une nouvelle 3e place au Championnat d'Europe d'Endurance qui couronne la saison 1979 de Christian Huguet. Cette année là, Christian participe à quelque courses de vitesse avec à la clef une belle 4e place lors de la 1ere manche du Championnat du Monde de Formule 750 à Assen. 

En 1980, c'est le nouveau championnat du Monde d'Endurance qui est mis en place. Toujours sur Kawasaki, Christian finira 3e du classement final avec une victoire aux 1000 km de Misano (coéquipier Richard Hubin), 2 deuxièmes places aux 24H de Spa et aux 1000 km de Zeltweg avec Richard Hubin, enfin une 3e place aux 8H d'Assen avec Christian Berthod. Hors championnat, Christian terminera 4e des 24H du Mans (coéquipier Christian Berthod) et 3e du Bol d'Or (coéquipier Richard Hubin). 

1981 sera la dernière saison de Christian. Comme l'année précédente il finira 3e du Championnat du Monde d'Endurance, mais avec deux belles victoires à son actif. Avec Jean Claude Chemarin, Il remporte les 24H du Mans et les 1000 Km du Mugello. Il obtient également de belles places d'honneur : 2e aux 8H du Nürburgring, 3e des 24H de Spa, 4e des 8H de Suzuka et des 8 Heures de Donington. Cette année 1981 sera une année symbole du caractère bien trempé de Christian. Au Japon, il chute et sera relevé avec de nombreuses blessures : plaie importante au bras, clavicule cassée, perforation de la cage thoracique et de nombreuses écorchures sur tout le corps ... mais Christian serre les dents, dissimule ses blessures pour ne pas se voir interdire de reprendre la piste et termine la course. Des exemples comme celui là ont émaillé la carrière de Christian. A la fin de la saison 1981, Christian décide d'arrêter le compétition, mais ne désirant pas abandonner le milieu il intègre Moto Revue en tant que chef de publicité. Christian grâce à son carnet d'adresse et sa personnalité attachante, entamait avec enthousiasme et réussite son nouveau travail. Mais en juin 1984, Christian a commencé a ressentir les premiers symptômes de sa terrible maladie. Après un court moment de désespoir, il se jeta avec son énergie habituelle dans cette dernière épreuve et son courage extraordinaire souleva une dernière fois l'admiration de tous. 

Christian Huguet s'éteint le 20 décembre 1984. Il laisse une épouse, Evelyne et une petite fille, Melodie .. ainsi que de nombreux ami(e)s et anonymes qui n'oublieront jamais cette ange blond qui nous a fait vibrer par sa passion et sa soif de vivre.

TEMOIGNAGES 


Témoignage deSerge Rosset (Roc Performance) - Moto revue N°2680 6/12/1984 

«Christian, pour moi, n'était pas un gars ordi¬naire et je pense qu'il m'a marqué encore plus que les autres. Il avait une espèce de rage de vaincre quand il était sur la moto que n'avaient sans doute pas la plupart des pilotes. Sur le plan personnel, aussi, il savait engendrer une sympathie particulière qui n'appartenait qu'à lui. Cela tenait sans doute à son attitude avec les mécaniciens avec lesquels il savait toujours comment parler. Il savait aussi se battre au maximum et remercier ainsi ceux dont il connaissait le véritable boulot. C'était chez lui du domaine de l'acte gratuit parce qu'il était très capable de le faire même lorsque le classe¬ment n'avait plus grande importance... Et puis il avait une telle envie de se battre... Au Mans, par exemple, il avait embobiné le docteur à propos de sa clavicule qui était encore cassée et qui aurait pu l'empêcher de prendre le départ. Cela ne l'a pas empêché d'aller jusqu'au bout. Au lapon, là aussi, il nous a impressionnés une fois de plus : il était tombé après 3 ou 4 tours et il était sévèrement abîmé avec une blessure au bras et à la poitrine. Mais il a tenu le coup avec des pansements et des tuyaux partout. Il avait une telle rage de vaincre que rien ne l'arrêtait... 15 jours après, alors qu'il avait en principe qua¬tre mois d'arrêt complet, il terminait deuxième. Christian, pour certains, c'était un excité. Mais c'est faux : il avait seulement une formidable rage de vaincre que beaucoup de gens n'inter¬prétaient pas à sa juste valeur. Humainement, Christian était un type profondément honnête. Et je crois que si nous sommes devenus les amis que nous étions, c'est parce que c'était un type entier. Et en ce qui concerne son courage, je crois qu'il suffit de voir son attitude depuis le printemps. Ce n'est pas courant de voir quel¬qu'un se battre de cette façon contre une mala¬die comme celle-là. Pour moi, la disparition de Christian est très dure : dans notre métier, on sait qu'on joue souvent avec la limite, mais on pense qu'à partir du jour où on raccroche, plus rien ne peut arriver. C'est trop bête de penser que c'est maintenant, alors que les risques étaient en principe terminés pour lui, que cela arrive. Et je suis également très ému parce que je l'ai vu souffrir et que je pense malgré tout comme tous ceux qui l'ont vu, qu'il valait mieux que tout cela s'arrête. Il avait su s'organiser une vie très professionnelle à une époque où ce n'était pas chose courante et où tout le monde le citait un peu en exemple. N'oublions que Chris¬tian est un des premiers pilotes à avoir su trou¬ver des sponsors extrasportifs qu'il avait parta¬gés avec d'autres pilotes. C'était une des choses exceptionnelles chez lui : son organisation et son professionnalisme. Je me souviens, par exemple, des essais des 24 Heures du Mans. Il m'avait dit : « On va essayer de faire la pôle ». Et il y allait. Dès que quelqu'un faisait un peu mieux, il venait nous voir en disant que c'était encore possible d'améliorer. C'était plus que du professionnalisme : c'était celui auquel on pou¬vait demander l'impossible. Pour nous, les techniciens, c'est formidable de savoir que l'on peut compter sur un type comme lui. Nous, on bossait comme des fous pour sortir du matériel compétitif, et quand on mettait Christian sur la selle pour un galop d'essai, on savait tout de suite si c'était bon ou pas. Ce côté-là chez Christian, cela faisait presque rétro : cela agaçait les jeunes mais c'était par¬fait parce que c'était stimulant. Tout au long de sa maladie, nous nous sommes appelés régulièrement et nous avons eu de lon¬gues conversations. Je peux dire que jamais, au grand jamais, il ne s'est avoué vaincu. Ayant malheureusement assisté à l'évolution de sa ma¬ladie, je crois qu'il faut tirer un grand coup de chapeau à sa femme Evelyne qui s'est occupé de lui de manière exemplaire : je pense qu'elle a fait pour lui des choses dont peu de femmes sont capables. Christian, en un mot, c'était un homme que je citais en exemple. Aujourd'hui, j'ai l'impression d'avoir perdu un copain. J'aurais bien aimé être là...» 

Waldteufel Charlotte (2015)

Christian était un homme gentil et simple dans la vie de tous les jours. Il était profondement honnête et apprecié de tous. Il était romantique aussi. C'était un autre homme en compétition... je dirais un "Lion" . C'était un battant, volontaire, limite hargneux en course. Un brillant pilote, droit, avec une extraordinaire rage de vaincre. Il a piloté les plus grandes machines d'endurance. C'était un perfectionniste, méticuleux, un vrai professionnel ! Je peux dire, un homme hors du commun. Sachant qu'ils ont un mètier dangereux, la femme du pilote, doit être disponible, s'occuper de son mari et de son entourage, dans les moindres détails, et sans attendre de reconnaissance. Elle ne doit JAMAIS lui montrer qu'elle a peur.... ce qui est forcement le cas... Tout faire pour que le pilote qui va prendre le départ, soit au meilleur de sa forme physique, mais aussi mentale. Rien ne doit perturber le pilote, qui a besoin de toute sa concentration avant le participer à la course.
 
CHRISTIAN HUGUET VIDEOS
Aujourd’hui, nous retrouvons Christian Huguet (2 juillet 1946 - 20 décembre 1984), le pilote français emblématique de l’endurance des années 1980, nous parle de sa vision de l’endurance moderne lors de ce 2e interview réalisé par Aymé Léonard au 24H de Liège 1980 et 1981.  
Vidéo : Aimé Léonard. Montage Francis Boutet 
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